Alto instrument à cordes

L'alto, instrument à cordes frottées apparu au début du 16ème siècle, occupe une place unique dans l'orchestre. Cet article retrace son histoire riche, détaille ses caractéristiques techniques et explore son répertoire musical varié, offrant un aperçu complet de cet instrument fascinant.

Origine et évolution de l'alto

L'alto, instrument à cordes frottées de la famille des violons, possède une histoire riche et fascinante qui s'étend sur plusieurs siècles. Son évolution a été marquée par des innovations techniques et des changements stylistiques qui ont façonné son identité sonore unique.

Naissance de l'alto au XVIe siècle

L'alto fait son apparition au début du XVIe siècle en Italie, dans le contexte de l'émergence de la famille des violons. Contrairement à une idée reçue, l'alto n'est pas dérivé du violon mais descend directement de la viole, un instrument médiéval à cordes frottées. Les premiers altos, alors appelés "viola da braccio" (viole de bras), se distinguaient par leur taille intermédiaire entre le violon et le violoncelle. Les luthiers italiens de l'époque, notamment Andrea Amati (1505-1577) à Crémone, jouèrent un rôle crucial dans le développement initial de l'instrument. Amati est considéré comme l'un des premiers à avoir établi les proportions de base de l'alto, qui resteront relativement stables pendant les siècles suivants.

Évolution de la forme et de la construction

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, l'alto connut plusieurs modifications visant à améliorer sa sonorité et sa jouabilité :
  • Allongement du manche pour faciliter le jeu dans les positions élevées
  • Modification de l'angle du manche par rapport au corps de l'instrument
  • Renforcement de la barre d'harmonie pour supporter une tension accrue des cordes
  • Adoption progressive de cordes en métal, remplaçant les cordes en boyau
Ces changements furent en grande partie influencés par l'évolution des techniques de jeu et les exigences croissantes des compositeurs de l'époque baroque et classique.

L'apport des grands luthiers

Plusieurs luthiers célèbres contribuèrent de manière significative à l'évolution de l'alto :
  • Antonio Stradivari (1644-1737) : Il créa des altos de taille plus réduite, améliorant ainsi leur maniabilité tout en préservant leur richesse sonore.
  • Guarneri del Gesù (1698-1744) : Ses altos, bien que rares, sont réputés pour leur puissance et leur profondeur de son.
  • Jean-Baptiste Vuillaume (1798-1875) : Ce luthier français du XIXe siècle expérimenta avec des formes et des tailles d'alto novatrices, cherchant à optimiser le compromis entre volume sonore et confort de jeu.

L'alto moderne : standardisation et innovations

À partir du XIXe siècle, on assiste à une certaine standardisation de la facture de l'alto. La taille moyenne se stabilise autour de 40-41 cm de longueur de caisse, bien que des variations persistent selon les écoles de lutherie et les préférences des musiciens. Les luthiers modernes continuent d'explorer de nouvelles approches pour améliorer les qualités acoustiques de l'instrument :
  • Utilisation de nouveaux matériaux pour certaines parties de l'instrument (chevalet, cordier)
  • Expérimentation avec des formes asymétriques pour faciliter le jeu dans les positions élevées
  • Développement d'altos de taille réduite pour les musiciens de petite stature
Malgré ces innovations, la structure fondamentale de l'alto reste fidèle à celle établie il y a plus de quatre siècles, témoignant de la solidité de sa conception originale et de son adaptation réussie aux exigences musicales à travers les époques.

Anatomie et caractéristiques techniques de l'alto

L'alto, instrument à cordes frottées de la famille des violons, se distingue par ses caractéristiques physiques uniques qui lui confèrent sa sonorité particulière. Bien que similaire au violon dans sa forme générale, l'alto présente des différences notables en termes de dimensions et de structure, qui influencent directement son timbre et sa technique de jeu.

Dimensions et proportions de l'alto

L'alto se caractérise par une taille intermédiaire entre le violon et le violoncelle. Sa longueur moyenne peut atteindre 41 cm, bien que certains modèles expérimentaux, comme ceux conçus par M. Hermann Ritter, puissent mesurer jusqu'à 48 cm. Le diamètre de sa caisse de résonance varie considérablement, allant de 25 mm à 100 mm selon les modèles et les luthiers. Cette variabilité dans les dimensions permet d'adapter l'instrument aux différentes morphologies des musiciens et aux exigences acoustiques des répertoires.

Comparaison des dimensions avec le violon et le violoncelle

Instrument Longueur moyenne Diamètre caisse de résonance
Violon 35-36 cm 20-25 mm
Alto 38-41 cm 25-100 mm
Violoncelle 75-76 cm 110-120 mm

Anatomie détaillée de l'alto

L'alto se compose de plusieurs parties essentielles, chacune jouant un rôle crucial dans la production et la qualité du son :
  • La table d'harmonie : partie supérieure de la caisse de résonance, généralement en épicéa
  • Le fond : partie inférieure de la caisse, souvent en érable
  • Les éclisses : parois latérales reliant la table et le fond
  • Le manche : prolongement de la caisse sur lequel repose la touche
  • La touche : surface en ébène sur laquelle les doigts pressent les cordes
  • Le chevalet : pièce en bois transmettant les vibrations des cordes à la table d'harmonie
  • Les ouïes : ouvertures en forme de f sur la table permettant la diffusion du son
  • Le cordier : pièce à laquelle sont attachées les cordes à leur extrémité inférieure
  • Les chevilles : permettant d'accorder les cordes

Caractéristiques techniques et sonores

L'alto possède quatre cordes accordées en quintes : do, sol, ré et la. Cette configuration, une quinte plus grave que celle du violon, lui confère une tessiture intermédiaire entre le violon et le violoncelle. La gamme de fondamentales de l'alto s'étend de 128 à 2 600 Hz, offrant une richesse harmonique particulière. La sonorité de l'alto se caractérise par un timbre plus sombre et plus chaleureux que celui du violon. Cette différence s'explique par la taille plus importante de sa caisse de résonance et la longueur accrue de ses cordes, qui favorisent la production d'harmoniques plus graves. Le jeu de l'alto nécessite une technique légèrement différente de celle du violon, avec des mouvements d'archet plus amples et des écarts de doigts plus importants sur la touche.

Innovations techniques récentes

Les luthiers contemporains ont développé des modèles d'altos ergonomiques visant à faciliter le jeu et à réduire les contraintes physiques pour les musiciens. Ces innovations incluent des formes asymétriques, des épaisseurs de caisse variables et l'utilisation de matériaux composites. Par exemple, l'alto d'Erdesz Otto présente une apparence moderne tout en conservant la tessiture traditionnelle de l'instrument. Ces avancées techniques permettent d'améliorer le confort de jeu sans compromettre la qualité sonore de l'instrument, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités expressives pour les altistes et les compositeurs.

Le répertoire musical de l'alto

L'alto, instrument à cordes frottées de la famille des violons, possède un répertoire musical riche et varié qui s'étend sur plusieurs siècles. Bien que longtemps considéré comme un instrument d'accompagnement, l'alto a progressivement gagné ses lettres de noblesse en tant qu'instrument soliste, inspirant de nombreux compositeurs à travers les époques.

Le répertoire baroque et classique

Durant la période baroque, l'alto était principalement utilisé dans les ensembles de musique de chambre et les orchestres. Jean-Baptiste Lully, compositeur français du XVIIe siècle, a contribué à l'intégration de l'alto dans l'orchestre baroque. Georg Philipp Telemann a composé le premier concerto pour alto en 1731, ouvrant ainsi la voie à un répertoire soliste pour l'instrument. La période classique a vu l'émergence de compositions plus importantes pour l'alto. Wolfgang Amadeus Mozart a écrit sa Symphonie concertante pour violon, alto et orchestre en mi bémol majeur (K. 364) en 1779, mettant en valeur les qualités expressives de l'instrument. Carl Stamitz a également composé plusieurs concertos pour alto, dont le Concerto pour alto en ré majeur, op. 1.

Le répertoire romantique et moderne

Au XIXe siècle, l'alto gagne en popularité auprès des compositeurs romantiques. Hector Berlioz compose Harold en Italie (1834), une symphonie avec alto solo inspirée des voyages de Lord Byron. Johannes Brahms écrit ses deux sonates pour alto et piano (op. 120) en 1894, qui deviendront des piliers du répertoire pour alto. Le XXe siècle voit une explosion du répertoire pour alto. Paul Hindemith, lui-même altiste, compose plusieurs œuvres pour l'instrument, dont sa Sonate pour alto solo op. 25 n°1 (1922). William Walton écrit son Concerto pour alto en 1929, devenu l'un des concertos les plus joués du répertoire moderne. Béla Bartók laisse inachevé son Concerto pour alto à sa mort en 1945, qui sera complété par Tibor Serly.

L'alto dans la musique contemporaine

Les compositeurs contemporains continuent d'explorer les possibilités sonores de l'alto. György Ligeti compose sa Sonate pour alto solo en 1991-1994, utilisant des techniques de jeu étendues. Krzysztof Penderecki écrit son Concerto pour alto et orchestre en 1983, revisité en 2010-2011. Sofia Gubaidulina compose son Concerto pour alto et orchestre en 1996, explorant de nouvelles sonorités pour l'instrument.

Œuvres célèbres pour alto

  • Johann Sebastian Bach : Suites pour violoncelle seul (transcrites pour alto)
  • Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie concertante pour violon, alto et orchestre K. 364
  • Hector Berlioz : Harold en Italie
  • Johannes Brahms : Sonates pour alto et piano op. 120
  • William Walton : Concerto pour alto
  • Béla Bartók : Concerto pour alto
  • Paul Hindemith : Der Schwanendreher
  • Dmitri Chostakovitch : Sonate pour alto et piano op. 147

L'alto dans différents genres musicaux

Bien que principalement associé à la musique classique, l'alto trouve sa place dans d'autres genres musicaux. En jazz, des musiciens comme Stuff Smith et Jean-Luc Ponty ont adapté l'alto à ce style. Dans la musique folk et traditionnelle, l'alto est parfois utilisé en remplacement du violon, notamment dans la musique celtique. En musique contemporaine et expérimentale, des artistes comme John Cale (The Velvet Underground) ont intégré l'alto dans leurs compositions, élargissant ainsi les horizons sonores de l'instrument. Le répertoire de l'alto continue de s'enrichir, avec de nombreux compositeurs contemporains qui écrivent pour l'instrument, explorant ses capacités expressives uniques et sa richesse sonore. Cette évolution constante témoigne de la place importante que l'alto occupe désormais dans le paysage musical, bien loin de son rôle initial d'instrument d'accompagnement.

Les techniques de jeu et l'enseignement de l'alto

L'alto, instrument à cordes frottées de la famille des violons, possède des techniques de jeu spécifiques qui le distinguent de ses cousins. Son apprentissage requiert une approche particulière, adaptée à ses caractéristiques uniques. Examinons en détail les méthodes d'enseignement et les défis rencontrés par les altistes en herbe.

Techniques de jeu spécifiques à l'alto

La maîtrise de l'alto nécessite l'acquisition de techniques propres à cet instrument. L'écartement des doigts sur le manche est plus large que sur un violon, ce qui demande une plus grande extension de la main gauche. La pression exercée sur les cordes doit être plus importante en raison de leur épaisseur accrue. L'archet, plus lourd et plus long que celui du violon, requiert une technique de tenue et de mouvement adaptée pour produire un son riche et profond caractéristique de l'alto. Le vibrato, essentiel pour donner vie et expressivité au son, s'exécute de manière plus ample sur l'alto. Les altistes développent souvent un vibrato plus large et plus lent que les violonistes pour mettre en valeur la sonorité chaude de leur instrument. Les changements de position, fréquents dans le jeu de l'alto, nécessitent une grande précision et une bonne coordination entre la main gauche et le bras droit maniant l'archet.

Défis rencontrés dans l'apprentissage

L'apprentissage de l'alto présente plusieurs défis spécifiques. La taille et le poids de l'instrument peuvent causer des tensions musculaires, notamment au niveau du cou, des épaules et du dos. Les débutants doivent travailler leur posture pour éviter les blessures à long terme. La lecture de la clé d'ut, utilisée pour noter la musique d'alto, peut s'avérer difficile pour les musiciens habitués à la clé de sol ou de fa. La production d'un son de qualité sur l'alto demande un travail approfondi sur le contrôle de l'archet. Les élèves doivent apprendre à gérer la pression, la vitesse et le point de contact de l'archet sur les cordes pour obtenir un timbre riche et équilibré. Le développement de la justesse est également un défi majeur, car l'alto ne possède pas de frettes pour guider le placement des doigts.

Méthodes d'enseignement en France

En France, l'enseignement de l'alto s'appuie sur une tradition pédagogique solide. Les conservatoires et écoles de musique proposent des cursus structurés, allant de l'initiation au perfectionnement. La méthode française met l'accent sur la technique, mais aussi sur la musicalité et l'interprétation. Les professeurs utilisent souvent des exercices progressifs pour développer la dextérité et la sensibilité musicale de leurs élèves. Parmi les méthodes populaires, on trouve "L'Alto" de Maurice Vieux, ouvrage de référence qui propose une approche graduelle de l'apprentissage. La méthode Suzuki, bien que moins répandue pour l'alto que pour le violon, gagne en popularité pour l'initiation des jeunes enfants. Elle met l'accent sur l'apprentissage par l'écoute et l'imitation avant l'introduction de la lecture musicale.

Ressources pour débutants

Les débutants en alto disposent de nombreuses ressources pour soutenir leur apprentissage. Des méthodes comme "J'apprends l'alto" de Bruno Garlej et Jean-François Gonzales offrent une progression adaptée aux jeunes altistes. Des sites web comme imslp.org proposent des partitions gratuites pour alto, permettant aux élèves d'explorer un large répertoire. Des applications mobiles comme "Viola Tuner" ou "Alto Notes Flash Cards" aident à la pratique quotidienne.

Tableau comparatif des cordes de l'alto

Corde Note (alto) Équivalence violon Équivalence violoncelle
1ère corde La3 Mi4 La2
2ème corde Ré3 La3 Ré2
3ème corde Sol2 Ré3 Sol1
4ème corde Do2 Sol2 Do1
Ce tableau illustre la position intermédiaire de l'alto dans la famille des cordes, avec une tessiture qui se situe entre celle du violon et celle du violoncelle. Cette particularité influence grandement les techniques de jeu et l'approche pédagogique spécifiques à cet instrument.